Qu’est-ce qu’un démembrement de propriété ?
Définition du démembrement de propriété
Par définition, le démembrement de propriété est un mécanisme juridique qui consiste à diviser la pleine propriété d’un bien immobilier (ou plus rarement d’un compte-titres, de parts de SCPI, etc.) en deux parties :
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le nu-propriétaire d’un côté ;
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l’usufruitier de l’autre.
L’usufruitier dispose de l’usufruit du bien. Dès lors, il peut utiliser le bien (l’usus) et en percevoir les fruits (fructus). Autrement dit, il peut soit employer le bien pour son propre usage, soit le mettre à la location et percevoir les revenus. Le nu-propriétaire, quant à lui, dispose de la nue-propriété du logement et peut disposer du bien (l’abusus) en respectant les droits de l’usufruitier.
Si les droits démembrés sont indépendants les uns des autres, nu-propriétaire et usufruitier ne peuvent en aucun cas procéder seuls à la vente d’un bien démembré. L’accord des deux parties est obligatoire pour céder la pleine propriété d’un logement.
Le principe du démembrement de propriété est souvent utilisé en matière de transmission du patrimoine. Il est aussi possible d’acheter des droits d’usufruit ou de nue-propriété.
Focus sur le remembrement de propriété
Le démembrement de propriété peut être temporaire ou viager. Dans le premier cas, la période de démembrement jouit d’une durée précise (15, 20, 30 ans). Dans le second cas, elle prend fin au décès de l’usufruitier.
Qu’importe l’option choisie par les parties prenantes, à la fin de la période de démembrement, le nu-propriétaire reçoit la pleine propriété du logement dans des conditions avantageuses (sans droits de succession, notamment). En tant qu’unique propriétaire du logement au moment du remembrement de propriété, il peut prendre la décision de louer le bien, de l’occuper ou de le vendre.
Fonctionnement du démembrement de propriété en pratique
Il est courant d’utiliser le démembrement de propriété dans le cadre familial. Le montage le plus fréquent étant que les parents acquièrent l’usufruitier du bien et que les enfants disposent de la nue-propriété. Ainsi, les parents peuvent vivre dans le logement (ou le louer) de leur vivant. Lors de leur décès, les enfants récupèrent alors la pleine propriété du bien sans droits de succession.
Le montage inverse est également possible. Dans ce cas, l’enfant acquiert l’usufruit du bien et peut y vivre durant une période donnée. Les parents, de leur côté, conservent la nue-propriété du logement. Ce système leur permet alors d’optimiser leur fiscalité. En effet, en tant qu’occupant, l’usufruitier se charge du règlement de la taxe foncière (sauf convention contraire avec le nu-propriétaire). Le nu-propriétaire n’a, dans ce cas, pas non plus à déclarer son bien dans le cadre de l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI).
Droits et devoirs de l’usufruitier et du nu-propriétaire
L’usufruitier dispose d’un certain nombre de droits :
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le droit d’utiliser le bien ou de le louer ;
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le droit de percevoir des revenus issus de la location le cas échéant ;
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le droit de voter dans les assemblées de copropriété ;
En contrepartie, il doit respecter certaines obligations :
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réaliser un inventaire des biens dont il dispose avant leur utilisation ;
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réaliser un état des lieux du logement avant de l’utiliser ;
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assurer l’entretien du logement ;
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déclarer les loyers perçus à l’administration fiscale ;
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jouir raisonnablement de l’habitation ;
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régler les impôts locaux ;
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ne pas prendre la décision de vendre le bien démembré seul
De son côté, le nu-propriétaire peut disposer du bien. En contrepartie :
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il ne doit pas porter atteinte au droit de jouissance de l’usufruitier ;
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il doit payer les éventuelles charges extraordinaires (frais de bornage, par exemple).
Comprendre le démembrement de propriété en 5 points
Point n° 1 : la fiscalité durant la période de démembrement
Opter pour la technique du démembrement de propriété peut permettre au nu-propriétaire d’optimiser sa fiscalité durant la période de démembrement. Et pour cause le paiement des impôts locaux incombe à l’usufruitier. En effet, dans la mesure où c’est l’usufruitier qui dispose des revenus issus de l’immeuble, c’est à lui de régler les diverses taxes.
De la même manière, le logement démembré ne fait pas partie de l’assiette taxable du nu-propriétaire dans le cadre de l’IFI. La loi prévoit que les biens démembrés sont, sauf exception, taxables pour leur valeur en pleine propriété dans le patrimoine de l’usufruitier. La règle est valable, qu’importe la date du démembrement. Toutefois, il existe certaines situations pour lesquelles l’imposition à l’IFI est partagée entre l’usufruitier et le nu-propriétaire (vente d’un bien avec réserve d’usufruit, par exemple). Dans ce cas, le nu-propriétaire doit déclarer la valeur de la nue-propriété dans le cadre de l’IFI.
Point n° 2 : la fiscalité dans le cadre d’une donation de l’usufruit
La donation de l’usufruit (en viager) est une formule souvent utilisée pour préparer sa succession tout en conservant la jouissance du bien. D’un point de vue fiscal, l’opération comporte certains atouts. En l’occurrence, lorsque seule la nue-propriété du bien est transmise aux enfants, les droits de donation se calculent uniquement sur cette valeur (qui est toujours moindre que la valeur d’un bien en pleine propriété).
L’administration fiscale se réfère alors à un barème établi par le Code général des impôts pour chiffrer le montant de la taxe à payer. Ce barème tient compte de l’âge du parent-donateur au jour de la donation. D’une manière générale, plus le donateur est jeune, moins le coût de la donation est conséquent.
Point n° 3 : l’investissement idéal pour les successions
Le démembrement de propriété est le montage idéal pour préparer sa succession de son vivant tout en demeurant chez soi et en limitant les frais fiscaux.
Dans ce cas, le parent se réserve l’usufruit du bien et en transmet la nue-propriété à son enfant. Le propriétaire du bien peut ainsi profiter de son logement normalement (en y habitant, en le louant) jusqu’à son décès. Le décès de l’usufruitier provoque le remembrement de propriété. À cette occasion, le nu-propriétaire devient le plein propriétaire du bien, sauf s’il existe une réversion d’usufruit. Dans ce cas, le conjoint survivant est libre de rester dans le logement jusqu’à son décès.
D’un point de vue fiscal, le nu-propriétaire ne devra payer ni taxe ni impôt supplémentaire (hors éventuels frais de notaire) au moment du décès de l’usufruitier. En effet, la donation n’est taxée qu’au moment du démembrement selon le barème du Code général des impôts. Globalement, plus la succession se prépare tôt, moins le coût de la transmission est élevé.
Point n° 4 : comprendre l’abattement en fonction de l’âge du donateur
Comme expliqué précédemment, dans le cadre d’une donation en démembrement de propriété viager, les droits de donation sont réduits, car ils ne sont pas calculés sur la valeur totale du bien, mais sur la nue-propriété seule.
Les valeurs de la nue-propriété et de l’usufruit sont chiffrées selon l’âge du donateur au jour de la donation. Plus le donateur est jeune, plus cette valeur est faible, comme le montre le tableau ci-dessous.
Âge du donateur |
Valeur de l’usufruit |
Valeur de la nue-propriété |
Moins de 21 ans |
90 % |
10 % |
De 21 à 30 ans |
80 % |
20 % |
De 31 à 40 ans |
70 % |
30 % |
De 41 à 50 ans |
60 % |
40 % |
De 51 à 60 ans |
50 % |
50 % |
De 61 à 70 ans |
40 % |
60 % |
De 71 à 80 ans |
30 % |
70 % |
De 81 à 90 ans |
20 % |
80 % |
À partir de 91 ans |
10 % |
90 % |
Outre cet avantage, en réalisant une donation en démembrement de propriété, il est possible de réduire, voire d’annuler, les frais inhérents à la transmission du bien. En effet, lorsque la transmission se fait de parent à enfant, un abattement de 100 000 € par parent et par enfant est appliqué tous les 15 ans. Un couple avec deux enfants peut donc donner un total de 400 000 € en franchise d’impôts.
Notez que dans le cas d’un démembrement immobilier temporaire, la valeur de l’usufruit temporaire correspond à 23 % de la valeur de la pleine propriétaire par tranche de 10 ans. Dans ce cas, l’âge de l’usufruitier n’a aucune influence sur la valeur de l’usufruit temporaire.
Point n° 5 : La clause de remploi
Afin de mieux cadrer le démembrement de propriété, il est possible d’intégrer une clause de remploi rédigée en présence d’un notaire. À travers la clause de remploi, il est possible de préciser les conditions de la donation. La clause de remploi peut ainsi :
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préciser si l’usufruitier désigné doit utiliser le capital à des fins précises (dans le cadre d’un démembrement de propriété en assurance vie, notamment) ;
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conditionner la donation à l’engagement du donataire de consentir par avance à la vente du bien ;
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indiquer que les donataires ne peuvent pas exiger leur part sur le prix ;
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spécifier le choix du remploi, etc.
Avantages et inconvénients du démembrement de propriété
Les avantages du démembrement de propriété
Le démembrement de propriété présente certains avantages. En l’occurrence, dans le cadre de l’achat d’un bien démembré, le prix d’acquisition est souvent décoté (entre 30 % à 40 % du prix en pleine propriété). Ce prix décoté influe alors directement sur les frais liés à l’acquisition du bien (frais de notaire, taxes de publicité foncière, etc.), qui seront également moindres.
Autre avantage, le nu-propriétaire peut diminuer son imposition, car bien qu’il soit propriétaire du bien, il n’a pas à payer de taxe foncière. De la même manière, le logement démembré n’entre pas dans l’assiette taxable de son impôt sur la fortune immobilière.
D’un point de vue successoral, le mécanisme est parfait pour transmettre son patrimoine de son vivant. D’un côté, la transmission du bien est faite avant même le décès du propriétaire du logement. Ce dernier peut, malgré tout, résider au sein du logement jusqu’à la fin de ses jours. En contrepartie, les frais de donation sont amoindris et lors de son décès, les héritiers n’ont pas à régler de frais de succession supplémentaires.
Les inconvénients du démembrement de propriété
Si le démembrement compte un bon nombre d’atouts, la pratique n’est pas non plus sans risque et il existe quelques points de vigilance à bien considérer. En l’occurrence, il est important de réaliser la donation en démembrement de propriété correctement. Une donation mal faite peut engendrer une requalification de la part de l’administration fiscale.
Par ailleurs, l’article 751 du Code général des impôts précise que tout bien démembré fait partie de la succession de l’usufruitier. Afin de ne pas avoir à régler de droits de succession supplémentaires sur ce logement, il est important de s’assurer que la donation respecte bien trois conditions :
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être réalisée par un notaire ;
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être effectué plus de trois mois avant le décès du donataire ;
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faire l’objet d’un rappel au moment de la succession